Schéma cognitif, ça sonne un peu comme "schéma dont je me cogne" et c’était exactement ce que j’étais en train de me dire en expliquant au sixième patient de la journée ce que c’était exactement, ce qu’on appelait vulgairement un schéma en psychologie comportementale. Je récitai mes cours de fac et j'avais l'impression de repasser ma soutenance. Quelle horreur ! Je n’aurais pas pensé que cette spécialité puisse être aussi chiante, du moins pour les séances du début. Et je m’emmerdais grave ! Vivement qu’on passe à l’étape des jeux de rôle, qu’on se marre au moins ! J’avais hâte de jouer les démons de ces gens, et j’étais quasi certain de jouer ces rôles à la perfection.
Pour le reste de la séance, je repassai en mode écoute ou semblant d’écoute, s'apparentant à de la psychologie plus traditionnelle, griffonnant quelques mots clefs à l’arrache sur un bloc note. Je me foutais un peu de ce que ce type pouvait bien me raconter. De toutes façons, il allait me mâcher le travail de la prochaine séance en remplissant bien sagement le tableau papier que je lui avais fourgué. Voilà ! Elle est pas belle la vie ?
– Ca fera 70 dollars, dis-je en lui adressant un sourire angélique à la fin de la séance. Au moins, c'est bien payé.
Je raccompagnai le client, euh... le patient, à la porte du cabinet et lorsqu’il fut enfin parti, j’allais fouiller dans la kitchenette à la recherche d’un truc à boire.
– Mais il n'y a vraiment rien là dedans !
Frigo vide. Quelle déception ! En plus d’être grincheux et rabat joie, Lloyd ne savait pas s’amuser on dirait. Et les autres collègues… bah il était tard et je me demandais si je n’étais pas le dernier au cabinet, tiens. Le petit bout de secrétaire était déjà parti, de toute évidence. J’avisais le parking pour constater que la voiture du Grinch était toujours là, à côté de la mienne. Un sourire étira mes lèvres alors qu'une idée saugrenue s’égrenait dans mon esprit dérangé.
J’allais coller mon oreille sur la porte fermée de son bureau afin de savoir s’il était toujours en consultation. J’attendis un moment pour être sûr, puis je frappai deux coups à la porte avant d’entrer. Je me délectai de sa tronche lorsqu’il daigna lever le nez sur moi et m’installai avec nonchalance sur la banquette de consultation sur laquelle je m’allongeais à moitié, comme si j’étais un de ses patients. De tous, j'étais sans doute le plus terrible ! m'amusais-je à penser.
– Je sais pas ce qui m’arrive docteur Kane, mais je me sens pas très bien ce soir ! Je crois que je suis déprimé de cette journée ! dis-je sur un ton à peine sérieux.
Et il y avait de quoi ! Je m’étais fait envoyé chier par mon adorable collègue le matin même tandis que j’avais oublié mes clefs. J’avais du repasser chez moi pour aller les chercher et j’avais pris du retard dans mes consultations et je ne parles pas des cassos’ que j’avais rencontrés aujourd'hui.
– Je crois qu’il va me falloir une bonne dose d'anti-dépresseurs. Si tu vois ce que je veux dire. A base de bière !
Je me redressai sur la banquette et balançai mes jambes sur le côté pour lui faire face.
– Ca te dis ?
Ouais, c'était clairement une invitation ! Qui l’eut cru ?
Bon, ok, notre relation n’était pas au beau fixe pour le moment, mais après tout, on n’avait pas vraiment eu l’occasion de faire vraiment connaissance, lui et moi. Il ne pouvait pas être juste chiant et grincheux. Il avait forcément de bons côtés. Enfin, c'était ce que je voulais vérifier. Rien de tel qu’une bonne bière et qu’un bon tarpé pour briser la glace. Enfin, moi, c'était comme ça que je fonctionnais.
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